Les instruments embarqués sur la sonde européenne Rosetta nous en disent plus sur la comète 67P/ Tchourioumov-Guérassimenko.
Depuis que la sonde Rosetta de l’Agence spatiale européenne (ESA) a rejoint la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, on a déjà appris beaucoup de chose sur celle qu’on surnomme plus communément Tchouri.
On ne présente par exemple plus sa forme de pop-corn boursouflé ou de canard doté d’une tête, d’un cou et d’un corps. On sait également que sa densité est moitié moindre que celle de l’eau ou encore qu’elle est très sombre en absorbant 95% de la lumière du Soleil.
En chiffres, sa température de surface est comprise entre -90 et -40 degrés Celsius. La masse de son noyau est de 1 013 kilogrammes. 70 à 80% du volume de son noyau est rempli de vide. Sa vitesse est de 21 km/s.
Plus scientifiquement parlant, on a déjà appris que son eau est différente de celle de nos océans, ce qui signifie que ce n’est pas ce genre de comète qui a apporté de l’eau sur Terre.
Par le biais des sept articles qui sont parus dans la revue Science du 23 janvier, on apprend de nouvelles choses au sujet de la diversité géologique de sa surface, la nature des gaz qui s’en échappent, l’apparition d’un bouclier contre les vents solaires, les propriétés de sa surface, etc. En effet, Rosetta nous en dit plus sur la comète Tchouri.
En fait, la douzaine d’instruments embarqués par la sonde Rosetta révèle des phénomènes bien plus complexes qu’attendu. Par exemple, la géologie de la surface, vue par la caméra OSIRIS, est si diverse que les chercheurs ont découpé Tchouri en dix-neuf régions et cinq catégories. Chacune des régions a reçu des noms de divinités égyptiennes : Hati (pour le bas du cou), Bastet (là où le robot Philae a atterri le 12 novembre), Imotep…
Certaines zones ont l’air lisses, comme si elles étaient recouvertes de « cendres », alors que d’autres sont creusées de puits pouvant atteindre jusqu’à cent mètres de diamètre et autant de profondeur, dans un matériau qui semble très cassant. D’autres encore ressemblent à des paysages « rocheux » avec des falaises, dont une d’une hauteur de 900 mètres. Il ne faut pas oublier de citer des dunes alors que ces monticules n’étaient pas attendus faute de vent et d’atmosphère. « Tout cela est difficile à interpréter. Que regarder en premier ? », s’interroge Nicolas Thomas, perplexe devant une telle diversité.
Alors que la chaleur du Soleil évapore les glaces et évacue de cette manière de la matière, à raison de quelque deux mètres d’épaisseur par révolution autour du Soleil (tous les 6 ans et demi environ), la question est d’expliquer ces formations, d’expliquer le rôle que jouent les inhomogénéités du matériau du noyau par exemple.
La diversité existe également au niveau des panaches de gaz émis par la comète. Si l’eau est l’élément prédominant, du monoxyde de carbone et du dioxyde de carbone font aussi partie des éléments de base de la longue queue de poussières. Dans certaines zones, le monoxyde et dioxyde de carbone sont parfois même plus abondant que l’eau. « C’est du jamais vu, car nous avons le nez sur la comète, très près de son noyau », souligne Olivier Mousis, professeur à l’université de Franche-Comté.
Grâce à l’instrument MIRO, il a été constaté que l’activité principale de la comète se situait au niveau du « cou », un constat qui pourrait évoluer lors du rapprochement de la comète avec le Soleil.
Il a également été observé la naissance d’un bouclier autour de la comète, un phénomène semblable à la magnétosphère terrestre, un bouclier qui empêche les particules très énergétiques envoyées par le Soleil de nous bombarder. À la différence de notre planète, les comètes n’ont pas de champ magnétique pour ordonner ces particules.
En fait, à l’approche du Soleil, le vent solaire ionise les vapeurs éjectées, ce qui forme autour du noyau une sorte d’atmosphère chargée. Celle-ci se densifie et finit par repousser le vent solaire qui lui a donné naissance. Lorsque la comète sera au plus près du Soleil, cette couche sera devenue si épaisse qu’une onde de choc se créera lorsque vent solaire et gaz cométaires se rencontreront.
Un phénomène similaire avait déjà été constaté par la sonde Giotto autour de la comète de Halley en 1986.
« Nous assistons à ces premiers moments. C’est important, car ce genre de phénomène a eu lieu lors de la naissance des planètes comme Vénus et Mars. Cela nous permettra de mieux comprendre leur histoire primitive », explique Jean-André Sauvaud, de l’Institut de recherche d’astrophysique et planétologie du CNRS.
De fait, grâce à la sonde Rosetta, l’image d’Épinal d’une comète ressemblant à un gros glaçon inerte déployant sa queue de poussières et de vapeur d’eau a définitivement vécu. Si leur rôle dans l’histoire de notre planète reste encore à éclaircir, ces nouveaux résultats soulignent surtout qu’« On ne comprend pas tout », témoigne Jean-Loup Bertaux du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos) et du CNRS. « C’est même un euphémisme pour dire qu’on ne comprend rien ! », surenchérit Nicolas Thomas, de l’université de Berne.
Il faut bien évidemment rappeler que Rosetta ne nous a pas encore tout dit sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko. De nouveaux articles doivent encore être publiés, notamment autour des instruments de Philae, l’atterrisseur-laboratoire qui s’est posé sur la comète.
Dans les semaines et mois à venir, grâce aux instruments de Rosetta et Philae, les scientifiques espèrent donc faire encore de nombreuses découvertes et, pour pas, répondre à certaines questions telles que : est-ce que Tchouri est un seul bloc qui s’érode en son milieu ou bien la fusion de deux blocs plus petits ? Quelle est la nature précise du matériau qui la compose ? Quels types de molécules organiques sont présents, et sont-elles du genre de celles qui pourraient servir aux balbutiements de la vie ?