Si le réchauffement climatique n’est pas rapidement maîtrisé, la biodiversité marine des océans est menacée de grands bouleversements.
C’est dans la revue Nature Climate Change qu’une équipe internationale dirigée par le CNRS et regroupant la Sir Alister Hardy Foundation for Ocean Science, l’université de Plymouth (Angleterre) et le Centre scientifique de Monaco a publié une nouvelle étude sur le réchauffement climatique. Ses conclusions sont un signal d’alarme vis-à-vis des menaces qui planent sur la biodiversité marine des océans.
L’étude révèle que la quasi-totalité des océans est menacée de disparitions locales, de diminutions, de mouvements « biogéographiques », des réorganisations qui devraient concerner un grand nombre d’espèces.
Pour autant que l’augmentation de la température soit contenue dans les 2°C, ce qui est le but des négociations climatiques, la biodiversité superficielle des océans (dans les 200 premiers mètres) diminuera de près de 10% dans les régions océaniques chaudes, entre les 40° parallèles nord et sud. Il ne devrait pas forcément s’agir de disparition, vu que les régions tempérées et polaires enregistreront une très forte augmentation de la biodiversité, jusqu’à 300 % en plus dans les zones polaires.
Alors que d’autres études ont déjà présenté les risques à l’échelle régionale, cette nouvelle étude confirme l’inéluctabilité de ces bouleversements, comme la disparition de la morue de la mer du Nord, de la coquille Saint-Jacques et du bulot des côtes françaises, alors que le nombre de soles augmentera en mer du Nord, tout comme l’anchois et la sardine qui y feront leur apparition.
Une des grandes inconnues de ces grands bouleversements, c’est la méconnaissance de la biodiversité marine. Il est en effet estimé qu’à peine 10% des espèces sont connus, soit seulement 250 000 espèces sur les deux millions d’espèces qu’elle pourrait compter.
Afin d’étudier l’évolution possible de cette biodiversité, les scientifiques ont utilisé la théorie METAL (Macro Ecological Theory on the Arrangement of Life). « Les résultats démontrent une relation forte entre la biodiversité observée et la biodiversité théorique, et ce, pour un grand nombre d’espèces tels que les foraminifères, les crustacés, les poissons et les cétacés », explique le CNRS.
Pour mieux comprendre les perspectives d’évolutions attendues, les chercheurs ont aussi établi les biodiversités de deux périodes clefs : le dernier maximum glaciaire, il y a 22 000 ans, et le Pliocène moyen, entre 3,3 et 3 millions d’années. Selon leur modèle théorique, il est estimé que si le réchauffement est maintenu en dessous de 2°C, les changements biologiques dans l’océan seront sans grandes conséquences « même si 40% des océans connaîtront un changement important de biodiversité ». Par contre, dans l’hypothèse où l’augmentation des températures dépasserait la barre des 2°C, « entre 70 et 95% des océans subiraient des modifications conséquentes d’ici la fin du siècle ». Selon Grégory Beaugrand, « l’évolution des espèces va être trop rapide pour que celles-ci puissent s’adapter. L’adaptation n’est pas possible à l’échelle interdécennale. Ce qui s’est produit en centaines ou en dizaines de milliers d’années ne se fera pas en un siècle ou deux ».
Les conséquences de tels bouleversements seront un chamboulement dans les services écosystémiques, une réorganisation du système océanique, une multiplication des conflits pour la ressource, sans oublier que les coûts en termes de régulation et d’approvisionnement vont exploser entre 15 000 et 51 000 milliards d’euros par année, soit plus que le produit national brut de tous les pays du monde.
« Cela représente un danger énorme pour l’humanité », conclut Grégory Beaugrand.