Phénomène énigmatique lors de séismes, les lumières sismiques suscitent curiosité et débats. De l’Antiquité à aujourd’hui, que savons-nous vraiment ?
Les vidéos récentes du séisme de magnitude 6,8 survenu au Maroc ont révélé des lumières énigmatiques. Ces « lumières de tremblement de terre », selon des sources historiques, ne sont pas nouvelles et ont été mentionnées dès l’Antiquité grecque.
Ces manifestations lumineuses, aux couleurs chatoyantes, ont toujours été au cœur des interrogations scientifiques. John Derr, géophysicien renommé et ancien membre de l’US Geological Survey, atteste de leur existence. Ayant contribué à plusieurs études sur ce phénomène, souvent désigné sous l’acronyme EQL, Derr précise que leur observation est optimale dans des conditions de faible luminosité.
Il souligne également la similitude entre les lumières capturées dans la vidéo marocaine et celles observées lors du séisme de 2007 à Pisco, au Pérou, grâce à des caméras de surveillance.
Juan Antonio Lira Cacho, enseignant en physique à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos et à l’Université pontificale catholique du Pérou, met en lumière l’impact de la technologie moderne. Selon lui, la généralisation des smartphones et des caméras de surveillance a grandement simplifié la documentation de ces lumières. Il se remémore : « Il y a quarante ans, un tel témoignage aurait été reçu avec incrédulité. »
Diversité des lumières sismiques : un spectacle naturel fascinant
Selon les écrits de Derr dans l’édition 2019 de l’Encyclopedia of Solid Earth Geophysics, les manifestations des lumières sismiques sont d’une grande variété.
Il arrive que ces lumières se confondent avec la foudre traditionnelle ou qu’elles se dessinent comme des éclats lumineux dans le firmament, rappelant les aurores boréales. Par moments, elles se manifestent sous la forme de sphères lumineuses suspendues dans les airs. Elles peuvent également évoquer de petites flammes vacillantes se mouvant à proximité du sol ou, à l’inverse, de grandes flammes jaillissant de la terre.
Des séquences filmées en Chine, peu avant le séisme du Sichuan en 2008, ont illustré ces lumières en tant que nuages éclatants flottant dans le ciel.
Pour mieux comprendre ce phénomène, Derr et ses collaborateurs ont étudié 65 séismes survenus en Amérique et en Europe, associés à des témoignages fiables de lumières sismiques, certains datant du 17ème siècle. Leurs recherches, publiées en 2014 dans la revue Seismological Research Letters, ont montré que près de 80% des cas documentés de lumières sismiques étaient associés à des séismes d’une magnitude dépassant 5,0. Ces lumières étaient généralement visibles peu avant ou pendant l’événement sismique, et pouvaient être observées jusqu’à 600 kilomètres (soit 372,8 miles) de l’épicentre.
Si l’on s’attend à ce que les séismes majeurs se produisent principalement aux abords des plaques tectoniques, l’étude de 2014 a révélé que la majorité des séismes liés à ces lumières se produisaient en réalité à l’intérieur des plaques, et non à leurs marges.
En outre, il est plus courant d’observer ces lumières près des vallées de rift, zones où la croûte terrestre s’est autrefois dissociée, donnant naissance à une vallée allongée encadrée par des reliefs élevés.
À la recherche des origines des lumières sismiques
Friedemann Freund, collaborateur de Derr et enseignant à l’Université de San Jose, fort d’une expérience antérieure au Centre de Recherche Ames de la NASA, a avancé une hypothèse pour percer le mystère des lumières sismiques.
Selon Freund, des irrégularités ou impuretés présentes dans les cristaux rocheux, lorsqu’elles sont soumises à une contrainte mécanique – comme les tensions tectoniques qui se forment avant ou lors d’un séisme majeur – se fragmentent brusquement, générant ainsi de l’électricité.
Il précise que les roches, habituellement considérées comme des isolants, deviennent des semi-conducteurs lorsqu’elles sont soumises à une telle contrainte.
« À l’approche d’un séisme, d’immenses zones rocheuses, englobant des centaines de milliers de kilomètres cubes de la croûte terrestre, sont soumises à une tension. Cette tension provoque un déplacement relatif des grains minéraux », a expliqué Freund lors d’un entretien vidéo.
Pour illustrer son propos, il a évoqué l’activation d’une batterie, où des charges électriques sont produites et se propagent rapidement des roches sous tension vers celles plus détendues, se déplaçant à des vitesses proches de 200 mètres par seconde, comme il l’a détaillé dans un article pour The Conversation en 2014.
Si l’hypothèse de Freund est l’une des nombreuses avancées, d’autres théories évoquent que ces lumières pourraient être dues à l’électricité statique résultant de la fracture des roches ou encore aux émanations de gaz radon, pour ne citer que ces exemples.
À ce jour, la communauté scientifique n’a pas encore adopté de consensus sur les mécanismes précis à l’origine des lumières sismiques, et les recherches se poursuivent pour éclaircir ce mystère.
Freund nourrit l’espoir qu’à l’avenir, la connaissance des lumières sismiques, ou des charges électriques les provoquant, pourra être combinée à d’autres signaux pour anticiper l’arrivée de puissants séismes.
Conclusion
Les lumières sismiques, énigmatiques et captivantes, continuent de défier notre compréhension malgré les avancées technologiques et scientifiques. Alors que les chercheurs s’efforcent de démystifier ce phénomène, ces manifestations lumineuses rappellent la complexité de notre planète et l’interconnexion entre le ciel et la terre. À mesure que la science progresse, nous pouvons espérer non seulement élucider ce mystère, mais aussi utiliser ces connaissances pour mieux anticiper et répondre aux défis sismiques de l’avenir.