Le satellite chasseur de trous noirs Hitomi est définitivement perdu. Il nous laisse les données qu’il a eu le temps de collecter, un legs qui témoigne de tout ce qu’il aurait pu nous apprendre.
C’est le 17 février dernier, depuis le Centre spatial de Tanegashima à Kagoshima, que l’Agence japonaise d’exploration spatiale (JAXA) a lancé son satellite ASTRO-H. Également connu sous le nom de Hitomi (« pupille » de l’œil en japonais), ce satellite devait fournir une autre vision de l’Univers avec son instrumentation capable d’observer dans le spectre des rayons X à très haute énergie. Sa mission consistait notamment à étudier les trous noirs et à nous en apprendre plus au sujet de la naissance et de l’évolution des galaxies.
Au mois de mars, les choses se sont compliquées pour Hitomi. Le satellite s’est en effet retrouvé en vrille permanente, totalement ingouvernable. C’est comme cela, en raison d’une chaîne d’erreurs humaines et logicielles, que la mission d’ASTRO-H s’est interrompue, cinq semaines seulement après avoir commencé.
Des données qui font regretter sa perte
Durant sa courte existence, Hitomi n’a pas chômé comme le prouve la dernière observation faite par le satellite, une vue de l’amas de Persée, une association de galaxies située à 250 millions d’années-lumière de la Terre. Un premier article écrit sur la base des données collectées par ASTRO-H vient d’être publié dans la revue Nature.
Ce premier article fait déjà regretter la disparition de Hitomi. En effet, il remet en cause ce que l’on sait sur le rôle des trous noirs dans la formation des galaxies. « L’amas de Persée n’est pas composé uniquement de galaxies », a expliqué Brian McNamara, un chercheur en cosmologie à l’université de Waterloo (Canada). « Il dispose d’une atmosphère de plasma dont la température atteint des dizaines de millions de degrés. Cette matière invisible à l’œil nu peut être observée grâce aux rayons X. Elle contient les ingrédients qui forment les étoiles, les galaxies, les planètes, et chacun d’entre nous », a-t-il ajouté.
Alors que des études ont déjà montré que chaque galaxie de cet amas possède certainement un trou noir géant en son centre, « Nous pensons qu’ils agissent comme des thermostats qui régulent la croissance des galaxies », explique le chercheur. « Cela nous montre l’étendue de ce dont le télescope aurait été capable ».
Des vitesses beaucoup plus lentes que prévu
Les observations de Hitomi ont permis de déterminer que le gaz en mouvement au centre de l’amas de Persée se déplace à 164 km/s, c’est-à-dire dix fois moins vite que les galaxies et les étoiles, mais surtout beaucoup moins vite que ce qu’imaginaient les scientifiques. Cette découverte devrait permettre aux chercheurs de mieux comprendre comment les trous noirs interagissent avec ce qui les entoure. « Nous ne savons pas comment ça marche en détail », avoue Mark Bautz, coauteur de l’étude. « Cela pourrait signifier que le gaz est relativement visqueux. Nous n’en avions aucune idée, ou presque, avant Hitomi ».
Cette découverte fait partie du legs laissé par Hitomi. Les données que le satellite a eu le temps de collecter avant qu’il soit perdu pourraient permettre aux scientifiques de faire d’autres découvertes.