Une étude espagnole possède comme conclusion que la violence létale, y compris celle concernant les humains, plonge ses racines dans la théorie de l’évolution.
Depuis deux siècles et demi, les philosophes et scientifiques au sujet de l’origine de la violence humaine. Une équipe espagnole vient de publier une étude dans la revue Nature qui tranche le débat. Selon leur conclusion, la violence létale humaine plonge ses racines dans la théorie de l’évolution. Il faut comprendre que si l’homme descend du singe, il en va de même pour ses tendances meurtrières.
Cette conclusion a été obtenue après un méticuleux travail d’accumulation de données. Pendant deux ans, des chercheurs ont dépouillé cinquante ans de littérature scientifique, soit 3 500 articles analysant la violence entre membres d’une même espèce chez les mammifères et 1 000 articles portant sur les causes de la mortalité parmi les humains. Ils ont aussi étendu leurs recherches aux analyses bioarchéologiques et paléontologiques, ainsi qu’aux relevés ethnographiques, aux bilans d’autopsie ou encore aux registres portant les causes de décès.
Sur les 1 024 espèces de mammifères étudiées, le constat est que 40 % d’entre elles s’étripent entre eux. « Cela a été notre plus grande surprise », admet José Maria Gomez, écologue à la station expérimentale des zones arides d’Almeria.
« La violence létale n’est pas concentrée dans des groupes considérés comme a priori violents, tels les carnivores. Elle sévit aussi de façon importante chez les rhinocéros, les marmottes, les chevaux… », précise le scientifique. L’agression intraspécifique constitue 0,3 % des causes de mortalité chez l’ensemble des mammifères selon une moyenne relevée par cette étude. « Elle n’est pas fréquente, mais répandue », concluent les chercheurs.
« Jamais je n’avais vu un travail aussi détaillé sur la violence parmi les mammifères », s’enthousiasme Michel Raymond, directeur de recherche au CNRS. Un commentaire qui souligne toute la minutie, famille par famille, de cette étude sur la violence.
Une étude qui n’explique pas la cause de la violence
Cette étude démontre que la position dans l’arbre phylogénétique des espèces explique fortement la tendance à tuer ses congénères. Quelques familles se distinguent particulièrement, comme les fauves, les ursidés, les rongeurs… mais aussi les primates. Chez nos cousins, accessoirement nos ancêtres, la violence létale atteint 2 %.
Par contre, cette étude n’explique pas les causes de la violence létale. « L’étude est formidable, mais elle n’explique pas les causes de cette concentration », fait remarquer Mike Wilson, anthropologue à l’université du Minnesota.
Il est bon de souligner que l’arbre de l’évolution des espèces n’explique pas tout. Par exemple, là où les chimpanzés se tuent à plaisir, les bonobos, leurs plus proches parents, possèdent des mœurs nettement plus pacifiques, peut-être en raison de la prépondérante des femelles.
Pour tenter d’isoler d’autres causes, les chercheurs sont aussi arrivés au résultat que plus une espèce est sociale et territorialisée, plus la violence létale s’y exprime. C’est ainsi que José Maria Gomez dit aussi : « Pour les temps anciens, les résultats enregistrés sont conformes avec le niveau de violence attendu compte tenu de la position de l’homme dans l’arbre phylogénétique ». « L’homme n’a pas attendu l’accumulation des richesses au néolithique pour être violent […] On a montré que les chasseurs-cueilleurs s’affrontaient eux aussi », précise l’archéologue Jean Guilaine, professeur honoraire au Collège de France. Par la suite, la situation se gâte encore pour les humains…