Le streaming gratuit de FMovies défie les géants aux États-Unis et en France. Un casse-tête juridique qui relance le débat sur le blocage des sites pirates.
Le phénomène FMovies ne cesse de prendre de l’ampleur. Ce site de streaming illégal, véritable bête noire de l’industrie du divertissement, s’est hissé dans le top 10 des plateformes de streaming aux États-Unis. Une performance qui fait grincer des dents à Hollywood et relance le débat sur la régulation du web.
Avec ses 190 millions de visites mensuelles, FMovies talonne les géants du secteur et dépasse même Disney+ en termes de trafic web. Un succès qui s’explique par son offre alléchante : des milliers de films et séries en accès gratuit et sans publicité. De quoi séduire les cinéphiles fauchés et agacer prodigieusement les studios qui voient leurs revenus s’envoler.
Un caillou dans la chaussure d’Hollywood
L’affaire FMovies prend des allures de western moderne. D’un côté, des studios aux poches bien garnies qui crient au vol. De l’autre, un site insaisissable qui nargue les shérifs du net. Et au milieu, des millions d’internautes qui se régalent de popcorn gratuit.
La Motion Picture Association (MPA), le puissant lobby hollywoodien, ne décolère pas. Son président, Charles Rivkin, a récemment lancé un appel vibrant lors du CinemaCon de Las Vegas : « FMovies, l’un des plus grands sites de streaming illégaux au monde, reçoit plus de 160 millions de visites par mois. Et comme d’autres pays ont déjà adopté une législation sur le blocage des sites, un tiers de ce trafic provient toujours des États-Unis. »
Une situation ubuesque qui met en lumière le retard américain en matière de régulation du web. Alors que de nombreux pays, dont la France, pratiquent le blocage des sites pirates depuis des années, les États-Unis restent à la traîne. Une aubaine pour FMovies qui réalise 40% de son trafic sur le sol américain.
Le casse-tête du blocage
Mais bloquer un site web n’est pas une mince affaire. D’abord, il faut convaincre les législateurs, traditionnellement frileux sur ces questions. Le représentant démocrate Ted Lieu s’en est ému lors d’une session à la Chambre des représentants : « Je viens d’aller sur mon téléphone, j’ai tapé FMovies, et c’est toujours en ligne. Je peux regarder Willy Wonka gratuitement. Pourquoi les fournisseurs de services en ligne ne le bloquent-ils pas tout de suite, dès aujourd’hui ? »
La réponse est simple : sans cadre légal adapté, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne peuvent pas agir. Ils craignent d’être tenus pour responsables en cas de blocage abusif. Une situation qui rappelle le jeu du chat et de la souris entre Hadopi et les sites de téléchargement en France.
D’ailleurs, l’expérience française montre les limites du blocage. Certes, le Tribunal judiciaire de Paris a ordonné en février dernier le blocage d’une vingtaine de sites pirates. Mais c’est un peu comme essayer d’arrêter la mer avec ses mains : à peine un site est-il bloqué qu’il réapparaît sous une nouvelle adresse.
L’hydre aux mille têtes
FMovies est comme l’hydre de Lerne : coupez une tête, il en repousse deux. Le site a déjà changé plusieurs fois d’adresse pour échapper aux blocages. Et quand bien même on parviendrait à le faire disparaître, d’autres prendraient sa place. Sans parler des VPN et autres outils qui permettent de contourner les blocages.
Faut-il pour autant baisser les bras ? Certainement pas, selon l’industrie du cinéma. Les études montrent que le blocage, même imparfait, a un impact positif sur la consommation légale. C’est un peu comme mettre un cadenas sur son vélo : ça n’empêche pas le vol, mais ça le complique suffisamment pour décourager une partie des voleurs.
Reste que la bataille est loin d’être gagnée. FMovies et ses semblables ont encore de beaux jours devant eux. D’autant que le site tire ses revenus de la publicité, particulièrement lucrative aux États-Unis. Un blocage américain pourrait sérieusement entamer ses finances, mais pas forcément le faire disparaître.
En attendant, c’est toute l’industrie du streaming qui est bousculée. Netflix, Disney+ et consorts doivent se réinventer face à cette concurrence déloyale mais redoutablement efficace. Car au final, c’est peut-être là que se joue la vraie bataille : non pas sur le terrain juridique, mais sur celui de l’offre et de l’expérience utilisateur.
L’affaire FMovies nous rappelle une vérité immuable du web : là où il y a de la demande, il y aura toujours de l’offre. Légale ou pas. À l’industrie du cinéma de s’adapter, ou de disparaître. Comme le disait un certain Charles Darwin : ce n’est pas le plus fort qui survit, mais celui qui sait le mieux s’adapter.