Lisa Pathfinder est certainement à l’origine d’une grande avancée de l’astronomie gravitationnelle. Ce satellite qui a été construit par Airbus Defence and Space est le point de départ de toute une expérience inédite qui sera lancée par l’ESA (l’agence spatiale européenne). Son ambition ? Détecter des ondes gravitationnelles de très basse fréquence.
Les ondes gravitationnelles, prédiction du génie Einstein
Albert Einstein a grandement marqué les sciences physiques par sa théorie de la relativité générale. Néanmoins, l’expérimentation fait défaut à certains aspects de sa profonde recherche. C’est le cas pour les ondes gravitationnelles qu’il a définies comme des vibrations de l’espace-temps, des oscillations provoquées par des mouvements de matière ou d’énergie. Elles sont donc très liées au dynamisme de l’espace-temps qui est central dans sa théorie.
Première détection par LIGO
Aucune preuve de l’existence des ondes gravitationnelles n’était connue avant l’annonce des scientifiques de la collaboration entre LIGO et Virgo en février dernier. LIGO (Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory) a décelé une onde de ce type le 14 septembre 2015. Elle est survenue une fraction de seconde avant la fusion de deux trous noirs stellaires, ce qui confirme, en plus de leur existence, l’association entre les ondes gravitationnelles et les trous noirs.
eLisa ambitionne de détecter des ondes de très basse fréquence
En quoi Lisa Pathfinder est-elle donc inédite si la preuve a déjà été trouvée ? La réponse est dans la fréquence des ondes gravitationnelles. Les interféromètres terrestres (LIGO et Virgo) ne peuvent mesurer que les ondes de fréquences assez élevées, de 10 à des milliers de Hz. Lisa Pathfinder et surtout la mission eLisa, comptent déceler des ondes de fréquence beaucoup plus basse, entre 0,1 mHz et 1 Hz. Et ce n’est pas un hasard si cela se rapproche plus des ondes émises par la fusion des trous noirs supermassifs.
Un observatoire en triangle dans l’Espace
Pour atteindre cet objectif ambitieux, l’ESA a conceptualisé une méthode de mesure assez originale. eLisa sera constituée de trois satellites qui formeront un triangle équilatéral dont chacun des côtés sera long d’un million de kilomètres. Chaque satellite enverra constamment des faisceaux de laser aux autres, ce qui permettra de mesurer toute variation relative de la distance qui les sépare. Les écarts ainsi détectés sont causés par le passage d’ondes gravitationnelles.
L’envoi de Lisa Pathfinder n’était que la première étape expérimentale de la mission eLisa. Son rôle était de tester la faisabilité technique et scientifique du triangle de mesure gravitationnelle. Et cette première phase a dépassé toutes les espérances de l’ESA ! Lancé le 3 décembre 2015 depuis Kourou, le satellite est arrivé le 22 janvier 2016 sur son orbite finale autour du point de Lagrange L1, à 1,5 million de kilomètres de la Terre.
La mission LISA Pathfinder, lancée le 3 décembre 2015 depuis Kourou, est arrivée le 22 janvier 2016 sur son orbite finale autour du point de Lagrange L1, à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Selon le bilan de ses performances qui a été publié dans la revue Physical Review Letters (7 juin 2016), ses deux mois d’opérations scientifiques ont suffi pour que Lisa démontre que la technologie nécessaire à eLisa est bien disponible. Et elle a fait encore mieux : ses performances ont dépassé les valeurs du cahier des charges.
La chute libre la plus parfaite jamais créée
Et quelle est cette technologie portée par Lisa Pathfinder et qui sera le socle d’eLisa ? Le satellite en question abrite en fait deux « masses test ». Sous forme de petits cubes, ces masses d’or et de platine « flottent », séparées de 38 cm des limites des cavités dans lesquelles elles sont installées, sont faites d’or et de platine. Immobiles l’une par rapport à l’autre, elles sont soumises au seul effet de la gravité grâce à la protection fournie par le satellite. Les perturbations telles que le vent solaire étant éliminées, les conditions de la chute libre la plus parfaite jamais créée ont été mises en place. Un système de mesure de la position des deux masses est également inclus dans le satellite. L’idée est en fait de mesurer par lasers l’accélération résiduelle entre les deux masses.
Les trous noirs seront mieux compris
Grâce aux performances de Lisa Pathfinder qui n’est donc qu’un démonstrateur, la conception et la concrétisation d’eLisa pourront être lancées. Cet observatoire unique en son genre permettra de détecter des ondes qui ouvriront de nouvelles portes en Astrophysique. Elles éclaireront les chercheurs sur des aspects des trous noirs qui n’ont jamais pu être appréhendés. La masse, le taux de rotation et d’autres informations sur ces zones mystérieuses de l’Univers pourront être mesurées. En fait, les ondes gravitationnelles complèteront les ondes électromagnétiques et les astroparticules pour aller plus loin dans la compréhension du Cosmos duquel nous faisons partie.