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Google renonce à la suppression des cookies tiers dans Chrome

Face aux critiques sur ses alternatives, Google choisit de maintenir les cookies tiers dans Chrome, fragilisant sa promesse initiale sur la vie privée.

L’annonce a surpris, même les plus sceptiques. Après plusieurs reports successifs, Google renonce finalement à supprimer les cookies tiers de son navigateur Chrome. Ce revirement stratégique, qui intervient après cinq ans d’hésitations, soulève une question centrale : est-il possible de concilier performance économique et respect de la vie privée sur Internet ?

Cette décision révèle aussi les tensions profondes qui traversent aujourd’hui le monde du numérique, tiraillé entre régulation, innovation et impératifs économiques.

Privacy Sandbox, ou l’échec d’une révolution annoncée

Lancé en 2020, Privacy Sandbox devait signer la fin des fameux cookies tiers, ces petits fichiers permettant le ciblage publicitaire précis, mais aussi très intrusif. À travers des outils innovants, tels que les API « Topics » ou « FLEDGE », Google promettait alors un modèle publicitaire respectueux de la confidentialité des internautes.

Mais rapidement, l’initiative a rencontré des résistances importantes, en particulier de la part des régulateurs comme la Competition and Markets Authority (CMA) britannique. Celle-ci craignait que Google substitue simplement un monopole technologique à un autre, sans résoudre véritablement les problèmes fondamentaux liés au ciblage publicitaire (Reuters, septembre 2024).

Google pris en étau entre régulateurs et annonceurs

Derrière les difficultés techniques et réglementaires affichées, le report s’explique aussi par une réalité économique incontournable : les cookies tiers représentent toujours l’épine dorsale de l’économie numérique. Ils génèrent près de 200 milliards de dollars annuels pour Google, selon les chiffres récents d’eMarketer, et garantissent aux annonceurs des performances publicitaires optimales.

La suppression brutale de ces outils aurait profondément déstabilisé le marché publicitaire, suscitant une levée de boucliers chez les annonceurs comme chez les éditeurs, dont les revenus en dépendent massivement.

Des alternatives jugées insuffisantes par les défenseurs de la vie privée

En parallèle, les défenseurs de la vie privée ont vivement critiqué les solutions proposées par Google. L’Electronic Frontier Foundation (EFF), notamment, estime que les technologies alternatives envisagées continuent d’exploiter indirectement les données des utilisateurs sans leur offrir une réelle protection (The Verge, avril 2025).

Face à ce double rejet, Google s’est retrouvé dans une impasse, incapable de satisfaire pleinement les régulateurs et encore moins les défenseurs de la vie privée, tout en préservant ses intérêts économiques.

Vers un renforcement inévitable de la régulation

Le statu quo décidé par Google risque d’avoir des conséquences paradoxales. Au lieu d’apaiser les inquiétudes, ce report pourrait accélérer une régulation plus ferme et plus globale des pratiques publicitaires numériques. En Europe, le Digital Markets Act (DMA) offre déjà un cadre solide pour contraindre les plateformes technologiques à respecter des règles claires et équitables.

Aux États-Unis également, la Federal Trade Commission (FTC) surveille attentivement la situation. La question n’est désormais plus de savoir si la régulation sera renforcée, mais quand et avec quelle intensité elle s’imposera.

Le modèle économique du web gratuit remis en question ?

Ce revirement stratégique pose également une interrogation plus large sur le modèle économique d’Internet : peut-on maintenir un Web gratuit tout en protégeant efficacement la vie privée des internautes ? Certaines entreprises, telles qu’Apple avec Safari ou Mozilla avec Firefox, démontrent depuis longtemps qu’un autre modèle est possible. Ces navigateurs ont déjà banni par défaut les cookies tiers, prouvant qu’une alternative, certes imparfaite mais viable, existe.

Le vrai défi pour Google, désormais, n’est peut-être plus technique, mais éthique : accepter de revoir profondément son modèle économique fondé sur l’exploitation intensive des données personnelles.

Et demain, quel Internet voulons-nous vraiment ?

Ce nouveau report illustre un moment charnière pour l’avenir d’Internet : sommes-nous prêts à repenser le modèle économique dominant, quitte à sacrifier une part de la performance publicitaire actuelle ? Ou acceptons-nous, au contraire, le maintien d’un compromis imparfait entre vie privée et rentabilité ?

La décision appartient autant aux internautes, par leurs choix quotidiens, qu’aux régulateurs chargés de protéger leurs intérêts face aux géants du numérique. Une chose est certaine : ce débat essentiel ne fait que commencer.

Une réflexion à poursuivre

Cette annonce vous paraît-elle un signe d’échec pour Google, ou simplement le reflet réaliste des contraintes économiques actuelles ? La régulation renforcée est-elle désormais la seule solution crédible pour protéger réellement les données personnelles ? Quel modèle d’Internet souhaitez-vous défendre pour l’avenir ?

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